Glycation des protéines: des réactions en chaîne

Glycation des protéines: des réactions en chaîne

Il importe de lutter contre la glycation des protéines qui se fait par la fixation d’un sucre réducteur (glucose ou fructose) ou d’un aldéhyde sur les résidus aminés (fonction amine N-terminale) de la protéine (principalement au niveau de la lysine). Cette réaction, très dépendante du temps d’exposition au sucre et de la concentration sanguine en glucose, se déroule sans participation enzymatique et forme un produit appelé base de Schiff.

À la suite de cette première étape, un réarrangement moléculaire appelé réarrangement d’Amadori a souvent lieu. Il s’agit soit d’un changement de conformation spatiale (isomérisation) de la base de Schiff, soit de la fixation sur une protéine (au niveau de sa fonction NH2) d’un sucre oxydé par réaction radicalaire. Ce réarrangement est réversible par hydrolyse chimique. Le taux de formation de ces produits d’Amadori est proportionnel à la concentration en sucre.

Ce réarrangement est suivi d’une réaction plus complexe, appelée réaction de Maillard. Elle aboutit à la formation des AGE (Advanced Glycation End-products) ou PTG (produits terminaux de glycation), plus connus sous le terme de produits de Maillard. Le taux de formation de ces composés est indépendant de la concentration en sucre du milieu mais dépend de la durée de l’hyperglycémie et du taux de  turn-over protéique.

Si les deux premiers stades se stabilisent à un plateau et peuvent être inversés selon le niveau de la glycémie, le troisième est irréversible et progresse quel que soit le niveau de glycémie. Il génère des composés réactifs responsables du vieillissement tissulaire qui ne peuvent plus être détruits, ni libérés de la cellule. Ces produits s’entassent alors dans la cellule sans qu’elle puisse s’en débarrasser. Petit à petit, ces substances entraînent un dysfonctionnement du métabolisme de la cellule et finissent par engendrer sa mort.

De multiples points d’impact

Les conséquences de la glycation des protéines sont multiples. Glyquées, les protéines perdent certaines de leurs propriétés. La glycation touche surtout l’albumine, l’insuline et les immunoglobulines. 

La glycation altère les activités enzymatiques de la SuperOxyde Dismutase (SOD) et de  l’alcooldéshydrogénase hépatique. La glycation altère la liaison des molécules de régulation, comme le 2-3 diphosphoglycérate (DPG) sur l’hémoglobine et de l’héparine sur l’antithrombine III. L’hémoglobine glyquée (HbA1c) représente 4,2% de l’hémoglobine totale chez le sujet sain et de l’ordre de 7,5% chez le sujet diabétique.

La glycation forme des agrégats entre les protéines par l’oxydation de groupements soufrés SH en ponts disulfures. L’autre conséquence est la formation de liaisons covalentes entre les produits terminaux de glycation. Cela participe à l’excès de perméabilité vasculaire et à l’opacification du cristallin. Une troisième voie est le captage covalent de protéines plasmatiques au niveau de groupements réactifs générés par la glycation, favorisant les dépôts d’albumine, d’immunoglobulines G (d’IgG) et de complément et des lipoprotéines LDL dans les parois artérielles.

La glycation des protéines des parois vasculaires leur fait perdre une partie de leurs propriétés mécaniques et les rend résistantes aux enzymes nécessaires au remodelage des parois. Elle contribue ainsi à l’irréversibilité de l’épaississement de la paroi artérielle. Elle diminue la fluidité membranaire et réduit la susceptibilité à la protéolyse. Les modifications structurales sont à l’origine de fuites de l’albumine dans l’urine (microalbuminurie). Les modifications des domaines de liaison aux cellules et les perturbations de l’assemblage entre les molécules, en réduisant l’adhésion des cellules endothéliales, favorisent une prolifération cellulaire anormale. Les altérations du fibrinogène et de la fibrine favorisent les dépôts vasculaires de fibrine et la prolifération des fibres musculaires lisses. Les perturbations des propriétés de l’élastine diminuent l’élasticité des grands vaisseaux, élèvent la filtration au travers de la carotide et entraînent un défaut de vasodilatation.

La glycation perturbe également la fonction des acides nucléiques (ADN). Un tel phénomène est incriminé dans des cassures chromosomiques, une atteinte des processus de réparation, réplication et transcription, dans la sénescence cellulaire et la genèse des malformations congénitales lors des grossesses diabétiques.

  • La glycation modifie l’immunogénicité qui, si elle est réduite pour les produits d’Amadori, semble au contraire accrue pour les produits terminaux de glycation, contre lesquels des auto-anticorps, notamment de titre IgA, ont été mis en évidence chez le diabétique. De plus, on observe une réduction du pouvoir anticorps des immunoglobulines G (IgG) glyquées.
  • La glycation est encore responsable de défauts de reconnaissance des signaux moléculaires et de l’endocytose. La glycation des lipoprotéines LDL réduit leur captation par leurs récepteurs normaux. On observe aussi une réduction de la liaison des lipoprotéines HDL glyquées et des lipoparticules AI (LpAI) glyquées. Au niveau des macrophages, la glycation des LDL et des HDL3 est responsable d’une synthèse accrue d’esters de cholestérol. Tout ceci favorise l’hypercholestérolémie. Les lipoprotéines glyquées sont rapidement captées par des récepteurs et sont des activateurs cellulaires.
  • Au niveau du macrophage, des cellules endothéliales, des fibres musculaires lisses et des fibroblastes, il existe un récepteur spécifique des produits terminaux de glycation (AGE) appelé RAGE (récepteur des AGE). Il est distinct des récepteurs scavengers (captant les LDL oxydées). Son expression est inhibée par l’insuline et augmentée par le TNF. La liaison des AGE au récepteur RAGE des cellules provoque la formation de radicaux libres, stimule l’expression des molécules d’adhésion et enclenche une activité procoagulante; elle induit la sécrétion de messagers extracellulaires, notamment des cytokines (TNF-alpha , interleukine 1, interféron) et des facteurs de croissance (PDGF, IGF-1, VEGF). La sécrétion exagérée du facteur de croissance vasculaire, le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor), est d’ailleurs considérée comme responsable de la rétinopathie diabétique. Tous ces messagers peuvent être le point de départ, non seulement d’une réaction inflammatoire, mais aussi d’une détérioration vasculaire et neuronale.

La seule façon de lutter contre ce fléau est la réduction drastique du sucre, y compris la consommation de produits torréfiés et/ou caramélisés et un contrôle parfait de la glycémie. Deux molécules sont actives sur la glycation, l’aminoguanidine et la carnosine.

Auteur : Olivier Segers

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